Si j’ai pu écrire ce chapitre, c’est principalement grâce à mon premier professeur, Bolesław Woytowicz. Il était l’élève, entre autres, d’Aleksander Michałowski, dont le professeur et ami était l’un des élèves de Chopin, Karol Mikuli. Michałowski a transmis à Woytowicz un certain nombre d’informations sur Chopin et sur sa méthode dont certaines ont même été mises par écrit par Woytowicz lui-même, mais, hélas, elles ont été perdues. Heureusement, il en a transmis beaucoup dans la pratique à ses élèves, bien qu’il n’en ait pas toujours cité la source.
L’un de mes souvenirs les plus vifs du Professeur Woytowicz est la phrase qu’il répétait souvent: “Chopin disait «Le même TEXTE ne signifie pas de la même MANIÈRE»”. Cela signifiait que la répétition d’un motif, d’une phrase ou d’un fragment de morceau ne devait pas être jouée mécaniquement de la même manière que la première fois. L’accent mis par le Professeur sur cette recommandation était très significatif.
Un pianiste, d’ailleurs très bon, m’a dit que si un compositeur écrivait deux fois la même chose, cela signifiait qu’il voulait simplement entendre deux fois la même chose. Il est difficile de l’accepter. Cela peut s’appliquer aux clavecinistes, peut-être au début de l’époque classique, mais pas à la musique des époques postérieures et certainement pas à la musique romantique. Les performances des plus grands musiciens témoignent du respect de cette règle de Chopin.
D’autres messages de Chopin peuvent être trouvés dans la méthode du Professeur et dans ses enregistrements (disponibles sur YouTube - plus à ce sujet sur la page Woytowicz). Un trait très caractéristique de la méthode du Professeur était de “jouer” sur la main de l’étudiant. Je n’ai rencontré cette façon de sensibiliser l’étudiant au toucher du clavier chez aucun autre pédagogue - ni à mes universités ni dans d’autres contacts professionnels. Et pourtant, c’est vraiment révélateur. Cela donne à l’élève une indication précise, “tangible”, avec quel mouvement et avec quelle force la touche doit être frappée.
J’ai étendu un peu cette méthode: parfois, je demande à un élève de “jouer” quelque chose sur ma main et je peux immédiatement dire pourquoi quelque chose ne fonctionne pas. Ou bien nous “jouons” tous les deux en même temps sur son avant-bras et il peut ressentir la différence entre ses touchers et les miens. De plus, les possibilités techniques actuelles sont très utiles - par exemple, je joue avec une main la même chose qu’un étudiant, mais une octave ou deux plus haut, et avec l’autre main je filme nos deux mains avec mon téléphone. De cette façon, l’étudiant peut voir immédiatement sur la vidéo quel mouvement il ne fait pas, ou ce qu’il fait inutilement.
Les exercices que je donne sur ces pages et dans mes vidéos sont bien sûr différents de ceux publiés précédemment - par exemple, par Aleksander Michałowski (je les partage sur la page PDF) ou Alfred Cortot - ils peuvent donc tous être utilisés indépendamment les uns des autres.
NB. Il y a deux manières de travailler des exercices: si vous disposez de suffisamment de temps, vous pouvez vous permettre de considérer chaque exercice comme une mini-étude et le travailler comme tel. Un conseil d’Aleksander Michałowski sur ses exercices relatifs à la cinquième Étude de Chopin est significatif:
Toutefois, lorsque nous avons beaucoup de travail et peu de temps, la meilleure méthode est de créer ses propres exercices ad hoc et “sur mesure” pour résoudre les problèmes spécifiques. Je le recommande fortement! Vous devez vous y entraîner, car “personne ne connaît mieux ma propre main que moi-même”. Et ce n’est pas si compliqué - il suffit de changer le groupe de notes d’origine présentant le plus de difficulté pour le rendre encore plus difficile! Lorsque nous maîtriserons une telle difficulté supplémentaire, le texte d’origine nous paraîtra ridiculement facile et confortable. Bien sûr, comme toujours, il faut faire très attention à ne pas abîmer vos tendons, ce qui peut arriver vite dans des conditions extrêmes!
Dans les sections Chopin et Liszt et autres, je présente des extraits de mes enregistrements et des exercices pour aider à résoudre les problèmes techniques de certaines pièces. Ils me servent bien, ainsi qu’à mes étudiants, mais il ne s’agit, bien sûr, que de petits exemples parmi l’immensité de la littérature pianistique. Pour chaque étudiant qui vient vers moi avec toute autre morceau, je prépare de nouveaux exercices adaptés à la fois au morceau donné et à sa main.